La rougeole, maladie virale hautement contagieuse, reste une préoccupation majeure en pédiatrie malgré l'existence d'un vaccin efficace. Touchant principalement les enfants, elle peut entraîner des complications graves voire mortelles. Reconnaître rapidement les signes de cette infection permet une prise en charge précoce et limite sa propagation. Avec la recrudescence des cas observée ces dernières années, notamment due à une baisse de la couverture vaccinale, il est essentiel pour les parents et les professionnels de santé de savoir identifier cette pathologie.

Symptômes cliniques de la rougeole chez l'enfant

La rougeole se caractérise par une évolution en deux phases distinctes : la phase d'invasion suivie de la phase éruptive. Chacune présente des signes cliniques spécifiques qu'il est important de connaître pour poser un diagnostic précoce.

Fièvre élevée et progression caractéristique

Le premier signe d'alerte est l'apparition d'une fièvre élevée, généralement supérieure à 38,5°C. Cette fièvre s'installe brutalement et persiste pendant plusieurs jours. Elle s'accompagne souvent d'une altération de l'état général de l'enfant, avec fatigue intense, perte d'appétit et irritabilité. La fièvre suit une évolution caractéristique en "V" : elle augmente progressivement pendant 3 à 4 jours, puis chute brièvement avant de remonter lors de l'apparition de l'éruption cutanée.

Éruption cutanée maculopapuleuse spécifique

L'éruption cutanée de la rougeole, élément clé du diagnostic, apparaît généralement 3 à 5 jours après le début de la fièvre. Elle se présente sous forme de macules érythémateuses (taches rouges planes) qui évoluent rapidement en papules (petites surélévations de la peau). Cette éruption suit une progression descendante caractéristique :

  • Elle débute derrière les oreilles et sur le visage
  • Elle s'étend ensuite au tronc et aux membres supérieurs
  • Elle atteint finalement les membres inférieurs et les pieds

L'éruption persiste généralement 5 à 6 jours avant de s'estomper progressivement, laissant parfois une légère desquamation.

Signes de koplik pathognomoniques

Un signe clinique particulièrement important pour le diagnostic de la rougeole est l'apparition des signes de Koplik . Il s'agit de petites taches blanches ou bleu-gris entourées d'un halo rouge, visibles sur la face interne des joues. Ces signes sont considérés comme pathognomoniques de la rougeole, c'est-à-dire qu'ils sont spécifiques à cette maladie. Ils apparaissent généralement 1 à 2 jours avant l'éruption cutanée et persistent pendant 2 à 3 jours.

Les signes de Koplik sont un élément clé pour le diagnostic précoce de la rougeole, avant même l'apparition de l'éruption cutanée caractéristique.

Manifestations oculaires et respiratoires associées

En plus de la fièvre et de l'éruption, la rougeole s'accompagne souvent de symptômes oculaires et respiratoires. On observe fréquemment :

  • Une conjonctivite avec yeux rouges, larmoyants et photophobie
  • Un coryza (écoulement nasal) et une toux sèche
  • Une rhinopharyngite avec inflammation de la gorge

Ces symptômes peuvent persister pendant toute la durée de la maladie et contribuent à l'inconfort de l'enfant. Ils participent également à la forte contagiosité de la rougeole, favorisant la transmission du virus par les gouttelettes respiratoires.

Diagnostic différentiel et examens complémentaires

Bien que la présentation clinique de la rougeole soit souvent évocatrice, il est parfois nécessaire de recourir à des examens complémentaires pour confirmer le diagnostic, notamment dans les cas atypiques ou en période non épidémique. Le diagnostic différentiel avec d'autres maladies éruptives de l'enfance est également important.

Tests sérologiques IgM et IgG anti-rougeole

La sérologie est l'examen de référence pour confirmer une infection par le virus de la rougeole. Elle repose sur la détection d'anticorps spécifiques dans le sang :

  • Les IgM anti-rougeole : détectables dès les premiers jours de l'éruption, ils signent une infection récente
  • Les IgG anti-rougeole : apparaissent plus tardivement et persistent, témoignant d'une immunité acquise

Un prélèvement sanguin réalisé entre le 3ème et le 28ème jour après le début de l'éruption permet généralement de détecter ces anticorps. La présence d'IgM ou une augmentation significative du taux d'IgG entre deux prélèvements confirme le diagnostic de rougeole.

RT-PCR sur prélèvements naso-pharyngés

La technique de RT-PCR ( Reverse Transcription Polymerase Chain Reaction ) permet de détecter directement le matériel génétique du virus de la rougeole dans les sécrétions respiratoires. Ce test est particulièrement utile dans les premiers jours de la maladie, avant l'apparition des anticorps. Un écouvillonnage naso-pharyngé ou un prélèvement de salive sont généralement suffisants pour réaliser cet examen.

La RT-PCR est une technique sensible et spécifique, permettant un diagnostic précoce de la rougeole, crucial pour la mise en place rapide des mesures de prévention.

Différenciation avec autres exanthèmes viraux infantiles

Le diagnostic différentiel de la rougeole inclut d'autres maladies éruptives de l'enfance, notamment :

  • La rubéole : éruption plus discrète, adénopathies caractéristiques
  • La scarlatine : éruption "en papier de verre", langue framboisée
  • Le mégalérythème épidémique (5ème maladie) : érythème "en soufflet" sur les joues
  • La roséole infantile : fièvre précédant l'éruption qui est plus fugace

La distinction entre ces différentes pathologies repose sur l'analyse précise des signes cliniques, de leur chronologie d'apparition et de leur évolution. Dans certains cas, des examens complémentaires peuvent être nécessaires pour établir un diagnostic définitif.

Complications potentielles de la rougeole

Bien que souvent bénigne, la rougeole peut entraîner des complications graves, particulièrement chez les jeunes enfants, les personnes immunodéprimées et les femmes enceintes. Ces complications justifient la vigilance accrue et l'importance de la vaccination.

Pneumonie virale ou bactérienne secondaire

La pneumonie est l'une des complications les plus fréquentes et potentiellement sévères de la rougeole. Elle peut être d'origine virale, directement liée au virus de la rougeole, ou bactérienne, favorisée par l'affaiblissement du système immunitaire. Les signes évocateurs sont :

  • Une aggravation ou réapparition de la fièvre
  • Une toux persistante et productive
  • Des difficultés respiratoires

La pneumonie rougeoleuse nécessite une prise en charge médicale rapide et peut parfois conduire à une hospitalisation, en particulier chez les jeunes enfants ou les patients fragilisés.

Encéphalite aiguë post-rougeoleuse

L'encéphalite aiguë est une complication neurologique rare mais grave de la rougeole. Elle survient généralement dans les deux semaines suivant le début de l'éruption et se manifeste par :

  • Des troubles de la conscience allant jusqu'au coma
  • Des convulsions
  • Des signes neurologiques focaux

Le pronostic de l'encéphalite rougeoleuse est souvent sévère, avec un risque de séquelles neurologiques importantes voire de décès. Une prise en charge en réanimation est généralement nécessaire.

Panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS)

La PESS est une complication neurologique tardive et exceptionnelle de la rougeole. Elle survient plusieurs années après l'infection initiale et se caractérise par une dégénérescence progressive du système nerveux central. Les symptômes incluent :

  • Des troubles du comportement et des apprentissages
  • Des troubles moteurs progressifs
  • Des crises d'épilepsie

La PESS évolue inexorablement vers un état végétatif puis le décès. Cette complication, bien que très rare, souligne l'importance de la prévention de la rougeole par la vaccination.

Prise en charge et traitement symptomatique

La prise en charge de la rougeole repose principalement sur un traitement symptomatique visant à soulager l'inconfort de l'enfant et à prévenir les complications. Il n'existe pas de traitement antiviral spécifique efficace contre le virus de la rougeole.

Protocole d'isolement et mesures préventives

L'isolement du patient atteint de rougeole est crucial pour limiter la propagation du virus. Les mesures recommandées incluent :

  • L'éviction scolaire pendant au moins 5 jours après le début de l'éruption
  • La limitation des contacts, en particulier avec les personnes à risque (nourrissons, femmes enceintes, immunodéprimés)
  • Le port de masque pour le patient et son entourage en cas de contact nécessaire

Ces mesures doivent être maintenues pendant toute la période de contagiosité, qui s'étend de 5 jours avant à 5 jours après le début de l'éruption.

Traitements antipyrétiques et antalgiques adaptés

Pour soulager la fièvre et l'inconfort liés à la rougeole, on peut recourir à des traitements symptomatiques :

  • Paracétamol : antipyrétique et antalgique de première intention
  • Ibuprofène : peut être utilisé en alternance avec le paracétamol si nécessaire
  • Mesures physiques : déshabillage, hydratation, pièce fraîche

Il est important de respecter les posologies adaptées au poids de l'enfant et d'éviter l'utilisation d'acide acétylsalicylique (aspirine) en raison du risque de syndrome de Reye.

Supplémentation en vitamine A recommandée par l'OMS

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande une supplémentation en vitamine A pour tous les enfants atteints de rougeole, en particulier dans les régions où la carence en vitamine A est fréquente. Cette supplémentation permet de réduire le risque de complications graves, notamment oculaires et respiratoires.

La supplémentation en vitamine A est particulièrement importante dans les pays en développement, où elle a montré une réduction significative de la mortalité liée à la rougeole.

Les doses recommandées varient selon l'âge de l'enfant et sont généralement administrées sur deux jours consécutifs.

Prévention par la vaccination ROR

La vaccination constitue le moyen le plus efficace de prévenir la rougeole et ses complications. En France, elle est intégrée au calendrier vaccinal sous forme de vaccin trivalent ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole).

Schéma vaccinal à deux doses du calendrier français

Le schéma vaccinal actuel en France prévoit deux doses de vaccin ROR :

  • Première dose à 12 mois
  • Deuxième dose entre 16 et 18 mois

Pour les enfants entrant en collectivité avant 12 mois, une dose de vaccin peut être administrée dès 9 mois, suivie de deux doses selon le calendrier habituel. Un rattrapage vaccinal est recommandé pour toutes les personnes nées après 1980 n'ayant pas reçu deux doses de vaccin.

Efficacité et sécurité du vaccin trivalent ROR

Le vaccin ROR est un vaccin vivant atténué, très efficace et bien toléré. Son efficacité est estimée à :

  • 93% après une dose
  • 97% après deux doses

Les effets secondaires sont généralement bénins et transitoires : fièvre, éruption cutanée légère, douleur au point d'injection. Les effets indésirables graves sont extrêmement rares.

Couverture vaccinale et notion d'immunité de groupe

Pour assurer une protection collective efficace contre la rougeole, une couverture vaccinale élevée est nécessaire. L'objectif est d'atteindre et de maintenir une couverture d'au moins 95% de la population avec deux doses de vaccin. Cette couverture permet d'établir une immunité de groupe , protége

ant l'ensemble de la population, y compris les personnes non vaccinées ou ne pouvant pas l'être (nourrissons, personnes immunodéprimées).

Malgré les efforts de vaccination, la couverture vaccinale en France reste insuffisante pour atteindre cet objectif. En 2023, elle était estimée à :

  • 92% pour la première dose à 24 mois
  • 83% pour la deuxième dose à 24 mois

Cette couverture insuffisante explique la persistance de foyers épidémiques et la recrudescence des cas de rougeole observée ces dernières années. Il est donc crucial de sensibiliser la population à l'importance de la vaccination et de lever les freins à son acceptation.

L'immunité de groupe contre la rougeole nécessite une couverture vaccinale d'au moins 95% avec deux doses de vaccin. Chaque personne vaccinée contribue ainsi à la protection collective.

En conclusion, la rougeole reste une maladie potentiellement grave dont le diagnostic précoce est essentiel. La reconnaissance des signes cliniques caractéristiques, associée si nécessaire à des examens complémentaires, permet une prise en charge rapide et adaptée. Cependant, la prévention par la vaccination demeure la stratégie la plus efficace pour lutter contre cette infection. Les efforts doivent être poursuivis pour atteindre et maintenir une couverture vaccinale optimale, seul moyen d'envisager l'élimination de la rougeole à l'échelle nationale et mondiale.